Comprendre le rapport de la Cour des comptes sur la rénovation énergétique

En résumé
La Cour des comptes a critiqué la politique de rénovation énergétique en France en raison de son manque de résultats mesurables, d’un accompagnement insuffisant et d’un focus sur des gestes isolés plutôt que des rénovations globales. La Première ministre a souligné l’importance de la qualité de l’accompagnement pour entreprendre les travaux.

Vous avez peut-être vu récemment que la Cour des comptes avait publié un rapport évaluant la politique publique relative à la rénovation énergétique et la réponse de la Première ministre qui a suivi.

La Cour des comptes regarde ce sujet de près car la dépense publique relative à la rénovation énergétique est évaluée à 7 Md€ en 2021, hors plan de relance qui est lui estimé à 6.2Md€ sur 2021 et 2022. Quitte à subventionner un secteur, autant que les résultats soient à la hauteur. Et alors, qu’en est-il ?

 

Les axes de la politique publique de la rénovation énergétique en France

Pour atteindre les objectifs ambitieux définis dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (cf article ici), la Cour précise que la politique publique de la rénovation énergétique s’articule autour de 4 axes :

  1. Créer et déployer des référentiels de performance énergétique opposables. Ce qui s’est notamment traduit par la mise à jour du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique).
  2. Favoriser l’émergence d’une filière professionnelle de la rénovation. Ce qui s’est notamment traduit par le label RGE.
  3. Créer un service public de la rénovation énergétique chargé d’informer les collectivités, ménages et entreprises sur le parcours de rénovation énergétique, afin d’augmenter l’engagement dans des projets de rénovation énergétique et de les accompagner. Ce qui s’est notamment traduit par France Rénov’.
  4. La mise en place d’incitations financières et d’outils normatifs. Là, ce sont les aides (MPR notamment) et les interdictions (d’augmenter un loyer ou de louer) qui ont alimenté cet axe.

D’après la Cour, quelques incohérences ont porté atteinte à la fluidité de cette politique publique :

  • Les modifications de la politique publique nuisant à sa lisibilité,
  • L’impact environnemental d’une rénovation n’est pas un critère retenu dans l’évaluation de la performance énergétique (par exemple, à caractéristiques thermiques équivalentes, un matériau biosourcé n’est pas valorisé par rapport à de la laine de verre),
  • Les conflits d’intérêt entre les ministères (par exemple, le ministère de la culture qui empêche des rénovations de bâtiments situés dans des zones protégées),
  • Les effets de la rénovation énergétique sur la santé des habitants ne sont pas pris en compte, alors que le ministère de la Transition écologique a estimé à 10Md€ par an le coût de santé des passoires énergétiques.

Des constats inquiétants

La Cour des comptes dresse par ailleurs quelques constats inquiétants :

  • Les données dont on dispose ne permettent pas de mesurer l’efficacité des financements pour atteindre les objectifs de performance énergétique. Autrement dit, l’État finance à hauteur de 10Md€ la rénovation énergétique et ne sait pas si ces financements permettent l’atteinte des objectifs ambitieux fixés.
  • L’accompagnement des bénéficiaires dans leur projet est rarement assuré.
  • Les aides sont conçues à partir d’un objectif de massification plutôt que de performance des rénovations. En effet, les aides financent principalement des gestes isolés de rénovation sans plan d’ensemble visant l’atteinte d’une haute performance énergétique, alors que les rénovations globales sont plébiscitées par les experts. En rentrant dans le détail, sur les 750 000 logements dont la rénovation a été financée en partie par l’ANAH en 2021, 57 000 logements – environ 8% – ont bénéficié d’une rénovation énergétique globale.
  • Les objectifs ambitieux se traduisent par des résultats limités sur la performance énergétique. Ce qui laisse craindre le besoin de recourir à de nouvelles dépenses publiques à l’avenir.
  • Peu d’aides sont attribuées pour des audits afin de connaître la performance du bâtiment avant la rénovation. Hors le résultat de l’audit étant incertain (on ne sait pas quand on fait l’audit si on va devoir faire des travaux ou non et donc si l’audit a permis de préparer des travaux ou non), les personnes sont peu enclins à payer des audits de peur de le faire « pour rien ».
  • Les différents opérateurs de la politique publique (ANAH, ADEME) opèrent sans une coordination suffisante entre les parties prenantes. La Cour souligne d’ailleurs que la mission interministérielle de la rénovation énergétique des bâtiments dispose de moyens insuffisants pour assurer le pilotage de la politique publique. Les guichets France Rénov’ n’ont, d’après le rapport, pas encore permis de clarifier le rôle et les missions des différentes structures, c’est pour le moment davantage un annuaire des plateformes qu’une harmonisation des services proposés.

Quelles sont les recommandations de la Cour ?

La Cour des comptes a formulé les recommandations suivantes :

  1. Clarifier les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique en simplifiant la description des gestes de rénovation concernés, et en précisant les règles de cumul,
  2. Renforcer le pilotage national de la rénovation énergétique et l’efficience du service public d’accompagnement sur l’ensemble du territoire national,
  3. Établir une estimation détaillée des engagements financiers nationaux et locaux des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique,
  4. Mesurer rigoureusement l’efficacité de la politique publique en assurant la disponibilité et la fiabilité des données.

 

Les éléments de réponse de la Première ministre

La Première ministre a fourni quelques éléments de réponse suite au rapport de la Cour des comptes. Elle a notamment mis en avant :
  • Ma Prime Rénov’ qui a permis de rediriger les financements vers les ménages les plus modestes (83% des dépenses en 2021 contre 10% pour le CITE, ancien mécanisme incitatif, en 2019),
  • Le besoin, pour lever les freins, de déclencher la décision d’engager les travaux. Pour cela, plusieurs facteurs sont présentés comme clef :
    • La possibilité de mobiliser des professionnels localement, qui a justifié la création de France Rénov’ qui regroupe 1 800 conseillers neutres et indépendants dans 500 Espaces Conseils,
    • La capacité de financement,
    • La qualité de l’accompagnement des projets.

On retrouve ici deux points clefs qui font partie intégrante de la mission de l’Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO).

  • Les dispositifs de soutien doivent (i) mettre l’accent sur les travaux les plus efficaces (comme en témoigne la mise en place de Mon Accompagnateur Rénov’, censé favoriser les rénovations ambitieuses en maison individuelle), et (ii) privilégier les ménages modestes. La ministre annonce d’ailleurs un système des aides plus lisible pour 2024.
  • Le plan France Relance qui a permis « l’atteinte des objectifs quantitatifs de la SNBC avec près de 700 000 rénovations par an pour le seul dispositif Ma Prime Rénov' ». Le vocabulaire est bien choisi car si l’objectif quantitatif a été atteint, l’objectif qualitatif (bien que non mesuré aujourd’hui) n’est sans doute pas atteint. Elle a d’ailleurs souligné que le gouvernement était pleinement mobilisé pour concentrer l’effort financier sur les objectifs qualitatifs.
 

Que retenir de tout ça ?

 La rénovation énergétique est un marché en structuration et continue de se structurer. Ce secteur est suivi de très près par le gouvernement car, comme le rappelle la Première ministre dans sa réponse, c’est « l’un des puissants leviers d’action pour l’atténuation du changement climatique pour l’atteinte des cibles ambitieuses fixées« . Sur les prochaines années, on peut penser que l’accent sera mis sur :
  • Les ménages les plus modestes,
  • Les rénovations globales et performantes,
  • L’accompagnement des ménages pour les entraîner dans des rénovations performantes.

Et vous, quand commencez-vous ? Contactez-nous si vous vous posez des questions sur la rénovation énergétique de votre copropriété.

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